En débarquant en novembre 1949 au port de Buenos Aires nous nous sommes trouvés dans une sorte de hangar, c'étaient les douanes, je crois, c'était grand et vide, les murs étant faites en lattes de bois où étaient collés d'énormes affiches, tous pareils, affiches desquelles nous regardait une fausse blonde platinée avec un son sourire énigmatique.
J'étais très étonné, je me disais que cela devait être une actrice de cinéma très appréciée dans ce pays, mais son visage ne me disait rien, mais en effet à l'âge de dix ans je ne connaissais pas grand'chose aux actrices célèbres. Au fait c'était ma première rencontre avec Evita !
J'aurais par la suite bien d'autres occasions d'être confronté aux images omniprésentes de la femme de Juan Peron le président (dictateur) d'Argentine de cette époque.
Je me suis vite aperçu que son nom figurait partout, sur tous les chantiers publics son image et son nom étaient affichés là, imposant, sur-dimensionné, avec ce slogan invariable "Peron cumple, Evita dignifica". Oui elle, Evita, était absolument partout, dans la rue, dans les gares, dans les bus et les taxis côtoyant l'image de la vierge Marie, au dessus du comptoir chez l'épicier du coin, dans les bistrots et au même rang que la croix sur les murs des classes des écoles.
A l'usine où j'étais écolier-apprenti quelques années plus tard, nous eûmes deux jours de dispense de classe, l'usine où se trouvait mon école, était en grève car la direction avait osé déplacer le portrait de la blonde nationale, qui trônait sur une porte d'entrée aux ateliers, pour effectuer des réparations.
Plus tard nous eûmes encore beaucoup de jours de vacances imprévues à l'école, c'était la période où se succédaient les putsch militaires qui ont finalement eu raison de Peron.
Evita elle, est morte peu avant d'un cancer, les cérémonies de deuil, où elle fut promenée dans la ville dans un cercueil transparent, furent grandioses.
Puis elle a mystérieusement disparue, avec son cercueil en cristal ? Personne n'a jamais su ni pourquoi, ni comment et on ne l' plus jamais retrouvée.